« Sedna était une très jolie jeune fille dont la beauté n'avait d'égal que sa prétention. Elle passait ses journées à coiffer sa longue chevelure brune et à repousser les prétendants que son père lui présentait, arguant que ceux-ci n'étaient pas à sa hauteur … » Allongé dans son lit du haut de ses 5 ans, Kenaï dévorait les paroles de son grand-père. Comme quasiment tous les soirs, il lui racontait une légende du peuple inuit ou d’un autre peuple amérindien avant de s’endormir. Celle de Sedna, la déesse de la mer était de loin une de ses préférées, et même s’il la connaissait quasiment par cœur, il adorait écouter son grand père lui raconter une nouvelle fois. Il avait une relation très forte avec ce dernier, surement dû à l’absence de son père. Sa mère, Sakari, était tombée follement amoureuse d’un américain ayant trouvé refuge dans la ville de Barrow. A l’époque encore, le métissage de culture était mal vu par le peuple Inupiat, et bien que les parents de Sakari lui aient montré leur désaccord quant à cette relation, cette dernière n’y prêta pas attention. Cette histoire aurait pu ressembler à un vrai conte de fée si le père de Kenaï n’était pas mort suite aux complications d’une maladie lors de la grossesse de sa mère. Dévastée, elle était retournée vivre chez ses parents et éleva son fils avec eux. Dès que Kenaï abordait le sujet de son père, sa mère l’évitait et se montrait distante. Le petit garçon pensait toujours que ça devait lui faire beaucoup de peine d’en parler, et se plaisait à imaginer son père vivre parmi les étoiles. Sa famille lui transmettait donc les plus grandes traditions Inupiats, chose plutôt mal vue par la communauté, Kenaï étant un enfant métisse. On lui enseignait les différents savoirs, la pêche, la chasse, le respect des hommes et des animaux, l’art … Mais à 5 ans, ce que Kenaï préférait le plus, c’était les légendes. Toutes ces histoires d’homme se changeant en animaux, de dieux et déesse, de rites ancestraux et d’aurores boréales le fascinaient. « Sedna cette fois ne pouvait plus s'accrocher et se laissa couler dans l'océan où elle se transforma en sirène. » Kenaï connaissait déjà la fin de l’histoire, mais il s’amusait toujours à faire des yeux ébahis à son grand père en entendant le destin de la fameuse Sedna. « Tu vois Kenaï, pour notre communauté, Sedna est devenue la déesse de la mer, que nous vénérons car c’est elle qui nous donne la nourriture nécessaire à notre survie. » Même si avec le temps, les croyances disparaissaient, son grand père aimait quand même lui rappeler les fondements de leur peuple, leurs origines.

Dans les légendes traditionnelles Inupiats, les aurores boréales étaient considérées comme de mauvais esprits, les ancêtres allant même jusqu’à se munir de couteaux pour les chasser. Pourtant Kenaï était fasciné par ces lumières dansantes, préférant croire à des esprits dansants à la tombée de la nuit. Un de ses meilleures souvenir était probablement à l’âge de 12 ans, lorsque son grand-père l’emmena camper loin de la ville et qu’ils assistèrent à une aurore boréale des plus magnifiques. Ce dernier lui avait raconté plusieurs légendes à leurs sujets, dont une dont il ne lui avait jamais parlé auparavant. Il lui raconta l’histoire d’un jeune homme, il y a fort longtemps, qui s’était retrouvé juste en dessous d’une aurore boréale. Le jeune homme, répondant au nom d’Iqniq, était connu de la communauté comme étant une personne vive, impulsive et comme l’un des meilleurs chasseurs. Alors qu’il chassait, il s’était retrouvé juste en dessous d’une aurore boréale. Il ressentit une sensation étrange et tenta de s’enfuir, pensant alors être attaqué par de mauvais esprit. Trop éloigné du campement et trop fatigué pour continuer sa route, il décida de s’arrêter et de continuer sa route le lendemain. Le jeune Iqniq tenta alors de faire un feu, mais la nuit glaciale ne rendait pas les choses faciles. C’est alors qu’en se concentrant dans sa tâche, il vit apparaître une flamme au bout de ses mains. Prenant peur et pensant être possédé par les mauvais esprits, il marcha plusieurs kilomètres jusqu’au lever du soleil pour rentrer le plus vite possible au campement. Il demanda alors conseil au Shamane de la ville, lui expliquant toute son histoire, mais ne parvint pas à reproduire les flammes qui avaient jaillit de ses mains. Le vieil homme lui répondit que cela devait être dû à une forte fatigue, n’ayant jamais entendu parler d’esprit donnant des pouvoirs aux simples mortels. Mais une nouvelle fois, le soir venu, Iqniq revit les flammes, et retourna voir affolé le vieux Shamane. L’homme cru en une malédiction venue des esprits coincés dans l’aurore boréale, il décida que le jeune homme était devenu une sorte de monstre devait être tué. C’était depuis cette histoire que le peuple Inupiat fuyait encore plus les aurores boréales et qu’il ne fallait jamais s’en approcher. La soirée où son grand père lui avait conté cette légende reste l’un des meilleurs souvenirs de Kenaï, son grand père étant mort quelques semaines plus tard. Et ce souvenir fut plus que présent lorsqu’à l’âge 20 ans, lors d’une ronde de nuit pour son métier de garde-chasse, il se retrouva sous une aurore boréale. C’était tout simplement magique. Il repensait au fait que seulement quelques personnes dans le monde pouvait assister à un si beau phénomène de la nature, quand tout à coup, il eut une étrange sensation. Son rythme cardiaque accéléra, sa respiration se fit plus courte et il ressentit un grand malaise, presque une douleur venue de nulle part. Il reprit alors sa route tant bien que mal et tomba alors nez à nez avec un petit ourson blanc. Cela ne disait rien qui vaille, s’il y avait un ourson, sa mère ne devait pas être loin, et tout le monde connaissait les risques encouru face à un ours polaire lorsqu’il sentait son bébé en danger. Kenaï tenta alors de partir, mais c’était trop tard, il se retrouva face à un ours blanc, immense, dressé sur ses deux pattes arrières, menaçant, prêt à tout pour sauver son ourson. Surpris, Kenaï tomba à la renverse dans la neige. Il essaya de bouger le moins possible, il n’avait nul endroit où se cacher. Il vit l’ours lever une patte, sortant ses griffes, Kenaï s’imaginait déjà mort. Il vit la grande patte blanche s’approcher à toutes vitesses de lui et tout à coup stoppée, l’ours poussant un grognement de douleur, comme s’il venait de frapper la pierre de toutes ses forces. Kenaï était abasourdi, il ne comprenait pas ce qu’il se passait. La bête retenta de l’attaquer et le même phénomène se produisit.