Sujet: Soren Jasper Blake ★ « And rage is mingled with his grief » Jeu 12 Jan - 16:24
❝ Soren Jasper Blake ❞
NÉ(E) LE15 Novembre 1986 ORIGINESAméricaine (Alaska) PROFESSIONMécanicien au Dalan's Garage STATUTCélibataire ORIENTATION SEXUELLEHétérosexuel
GROUPEBorn under stardust POUVOIR Energy Blast - Lance de puissantes rafales d'énergie capables de trancher leur cible en deux.
HERE IS A FEW THINGS YOU MIGHT NEED TO KNOW
Depuis combien de temps vivez-vous à Barrow et la ville vous plaît-elle ? Soren vit à Barrow depuis toujours. La ville, ou plutôt ses environs, lui plaisent beaucoup. Seul sur la banquise, il se sent à l'aise et libéré d'un poids. L'environnement de barrow lui offre un inexplicable sentiment de liberté. En revanche, ses habitants le craignent ou le méprisent pour la plupart. Quant à la gente féminine, elle aime son côté bad boy, ce qui l'arrange beaucoup. Croyez-vous aux légendes et à toutes ces histoires d'esprits ? Plus jeune, il n'y croyait pas vraiment. Il aimait les entendre et aller fouiner ensuite, histoire de se faire un peu peur dans le noir avec ses amis. Aujourd'hui, il sait que tout cela est très sérieux. Comment ne pas y croire quand des éclairs jaillissent de votre propre corps chaque nuit ? Que feriez-vous si vous aviez un pouvoir ? Si vous en avez un, dans quel but l'utilisez-vous ? Soren n'utilise pas son pouvoir dans un but précis. Il ne se comporte pas en sauveur de l'humanité, mais si son pouvoir peut tirer quelqu'un d'une situation difficile, alors tant mieux. Étant d'une nature très explosive et bagarreuse, il lui est arrivé de s'en servir pour se battre contre quelqu'un... Y compris une fois où cela a mal tourné, il y a de ça quelques années. Que pensez vous de la forte présence de la communauté Inupiat à Barrow ? C'est une question courante à Barrow, qui le fait sourire : ce ne serait pas plutôt que pensent les Inupiat de la forte communauté blanche chez eux ? Soren n'a rien contre les Inupiat. Il apprécie leur folklore, et a même fini par adopter une Husky depuis un an, qu'il a nommée Nokomis. La fille de la Lune ! Que pensez-vous de la SIA et qu'en savez-vous ? Soren méprise la SIA au plus haut point. Depuis le temps qu'il a son pouvoir et que l'agence essaie de l'enrôler, il n'a cessé de refuser. Il ne supporte pas l'idée que quelqu'un puisse lui dire où aller ou quand, quoi faire et avec qui. Il n'aime pas non plus les manières que la SIA a de contrôler et de manipuler les habitants de Barrow. Car si officiellement, le but de la SIA est de protéger la population, Soren sait bien que derrière tout ça, les gens comme lui qui ont hérité d'un pouvoir ne sont pas si bien traités. C'était un des sujets de conversations houleux qu'il avait souvent avec Louise, la nièce du Maire, à l'époque. Racontez votre souvenir le plus marquant : Il y en a plusieurs. Le jour où Adriel est née, le jour où il a fait l'amour à Louise pour la première fois et où il a compris qu'il l'aimait, le jour où Tate et lui ont failli mourir, le jour où ces deux-là l'ont trahi et abandonné... Le jour où il a vu tout noir et où il aurait pu perdre le peu de choses qui lui restaient. Soren est quelqu'un de très mystérieux à propos de son passé.
TELL ME MORE, TELL ME MORE
« Le 6 Septembre 1995 »
Me faufiler dans la chambre a été vraiment facile. Maman est fatiguée, et je crois qu'elle ne s'est pas arrêtée de pleurer une seule fois depuis son retour de la maternité. Elle est trop prise par son chagrin pour m'accorder la moindre attention, et j'en profite. Avec de petits pas timides, je m'avance dans la pièce. Le berceau est au centre de la chambre. J'arrive enfin à sa hauteur, et je me penche, pour observer ce qu'il contient. Sous la couverture moelleuse, on peut voir le visage tout rose et les mains minuscules d'un bébé d'une semaine, tout au plus. Maman m'a dit que c'était une fille, et qu'il faudrait en prendre soin. Mais la réalité c'est que, moi, je n'ai jamais voulu d'une petite soeur. Je soupire en observant son visage endormi.
Il faut que je sois honnête avec toi, Adriel. Tu n'as été désirée par personne. Ni par moi, ni par Maman, ni par ton père. Et je parie que si tu avais pu avoir le choix, tu aurais décidé de ne pas naître. Seulement, tu es là. Oui, il faut que je sois honnête avec toi, il faut que tu comprennes dès le départ : Maman ne s'arrêtera jamais d'être triste.
J'y réfléchis et je me dis qu'on est pareils, tous les deux. Mon père et Maman étaient très jeunes quand Maman est tombée enceinte de moi. A cause de ça, mon père a du arrêter ses études et trouver un travail. Cela ne faisait pas partie du plan, tu comprends ? Il aurait pu s'enfuir dès le départ, mais il est resté. Je me souviens de lui. Il était souvent très fatigué, et ne parlait pas beaucoup. En fait, je me souviens de son visage, mais pas vraiment du son de sa voix. Il me regardait avec des yeux morts, et ça m'effrayait. Je sais qu'il ne m'aimait pas. Et, avec les années, il a commencé à regarder Maman avec les mêmes yeux. Elle était la seule à ne pas s'en apercevoir. Alors, quand un jour elle l'a vu partir au bras d'une autre... C'est depuis ce jour-là que Maman pleure, Adriel. J'avais six ans. Elle n'a jamais arrêté depuis. Parfois, elle se met à boire, beaucoup. Comme elle crie et qu'elle n'est plus capable de rien faire, les voisins appellent souvent une ambulance pour qu'ils viennent la soigner. Et, en attendant, je traîne dans les couloirs de l'hôpital, ou bien je vais chez mon ami Tate. Il y a un an, Maman a commencé à ramener des hommes à la maison. Je suis désolé, Adriel. Je ne sais pas lequel est ton père. Je crois que Maman ne le sait pas non plus.
Voilà pourquoi on est pareils, toi et moi. On est sans pères. Maman ne s'occupera pas de toi, comme elle ne s'occupe pas de moi. Voilà pourquoi je n'ai jamais voulu de petite soeur : les petites soeurs c'est fait pour les familles heureuses. Nous, on est ni heureux, ni une famille. La solution pour toi, ce serait de ne jamais avoir existé. Comme le faux petit-frère de Tate. Sa mère était enceinte l'année dernière, mais le bébé n'est jamais arrivé, finalement. Toi par contre, tu es là.
Je me penche un peu vers le bébé, et j'approche ma main de son visage. Sa peau rose est toute douce. Dans son sommeil, elle attrape doucement mes doigts dans les siens, et les serre avec ses toutes petites forces. Je peux presque sentir son coeur battre, et je laisse les larmes me monter aux yeux.
Non, tu n'as été désirée par personne, Adriel. Mais à partir de maintenant, jamais je ne te laisserai tomber. Ton grand frère te le promet.
« Le 23 Novembre 2000 »
Il fait nuit noire ; on peut enfin se faufiler dehors sans se faire prendre. J'ai vérifié une dernière fois qu'Adriel était bien endormie dans sa chambre, puis je me suis rendu au point de rendez-vous convenu avec Tate. Il m'attendait avec Tim et Anton, deux types de notre classe. Équipés de lampes torches, on a finalement pris la route pour la banquise.
On raconte tout un tas d'histoires et de légendes sur la banquise et ce qu'on peut y trouver, en ville. On parle par exemple beaucoup du vieux bateau pris dans les glaces, le Snow Thorn, et des soi-disant esprits de pirates qui le hantent. Ce truc est tellement vieux que c'est pas étonnant que le bois craque par endroits et foute la frousse à n'importe qui, si vous voulez mon avis. Mais Tate, Tim, Anton et moi, on est toujours prêts à aller fouiner d'un peu plus près dans tout ce qui effraie le bon Barrow. On n'en est pas à notre première escapade nocturne. On a quatorze ans, c'est l'âge de faire des conneries après tout, non ?
Il fait un froid atroce, à vous glacer instantanément. Bientôt, le soleil se couchera pour sa longue nuit d'hiver. On explore le bateau pendant une bonne heure, mais on n'y trouve rien d'intéressant. Finalement, on s'en éloigne peu à peu pour marcher sans but précis. Avec les étendues quasi-infinies de glace à nos pieds, on a comme un sentiment de liberté. Nous marchons sur un océan de givre. La nuit est dégagée, et la lune complète le faible éclairage de nos lampes torches.
- Je parie que je peux aller plus loin que vous. Sans lampe. Tim aime beaucoup ce genre de paris où on est amenés à comparer notre courage. Pourtant, il ne gagne pas souvent. Et ce qu'il nous propose est de taille : tout le monde sait qu'il est dangereux de trop s'éloigner sur la banquise, surtout en pleine nuit. C'est le meilleur moyen de se perdre et de mourir de froid en quelques heures à peine. Mais Tim éteint sa lampe et commence à avancer, tandis qu'Anton le suit sans réfléchir. Tate me lance un regard de défi, et nous voilà partis.
Dix mètres. Vingt mètres. Cinquante mètres. Anton tremble comme une feuille. - Je... Je vous attend là, les gars... Je ricane en même temps que Tate. Tim ne dit plus rien et on sent qu'il a peur lui aussi, mais il nous suit Tate et moi. Cent mètres. - Bon d'accord, d'accord, vous avez gagné ! Explose d'un coup Tim, visiblement au bord des larmes. - Alors Tim, on lance des défis qu'on ne peut même pas relever ? - Même ma petite soeur aurait moins peur que toi ! Ajoutais-je à la remarque de Tate. - Allez vous faire voir ! Se défend Tim pendant que Tate et moi tâchons d'arrêter de rire. Allez, on rentre maintenant ! - Non, moi je continue. Tate me regarde, et je vois clairement qu'il me met au défi de le suivre. Je lui répond par un grand sourire, et commence à avancer. - Bande de malades ! - C'est ça, cours dans les jupes d'Anton, il doit se sentir seul là-bas ! Lance Tate en riant pendant que Tim rebrousse chemin.
Tate et moi continuons de nous engouffrer dans la pénombre. De temps en temps, on s'observe pour savoir qui craquera le premier. En réalité, on sait très bien qu'aucun de nous ne le fera. Question de fierté, question d'honneur, et surtout de principe. Tate et moi, depuis qu'on est gamins, c'est à la vie à la mort. Tout ce qu'il peut faire, je peux le faire, et inversement. Il n'y a pas de plus courageux, il n'y a pas de plus fort. On est identiques. Comme des frères. Au bout de dix minutes, on est toujours en train de marcher. On sait tous deux que c'est inconscient : à cette distance-là, il pourrait nous arriver n'importe quoi, personne ne pourrait entendre nos appels au secours.
Mais d'un coup, on s'arrête en même temps. Juste au dessus de nos têtes, un spectacle rarissime est en train de se produire. Les couleurs flamboyantes d'une aurore boréale dansent dans le ciel au-dessus de nous. J'ai déjà vu plusieurs fois ce phénomène, mais jamais d'aussi près. Là, c'était comme si je pouvais toucher cette poussière de lumière d'un vert éclatant, puis d'un rouge profond...
Dans un même mouvement, nous nous courbons sous la douleur. C'était comme si mon corps était recouvert de millions d'insectes grouillants, et je pense que Tate devait ressentir la même chose. Nous étions terrassés par terre, pendant qu'au dessus de nous, l'aurore persistait. Je n'étais plus maître de mes muscles, et je commençais sérieusement à être terrifié. Je n'étais pas du genre trouillard, au contraire... Mais, du haut de mes quatorze ans, je n'avais jamais rien vécu d'aussi effrayant que ce moment-là. Cette douleur subite ne pouvait pas être liée au froid. Et, pendant que j'essayai de reprendre ma respiration, les dizaines de légendes que j'avais entendues au cours de mon enfance sur le pouvoir des aurores boréales et sur la colère des esprits me revenaient en tête.
Aussi vite qu'elle était arrivée, la douleur s'en alla. Les lumières colorées avaient disparu du ciel. Je toussai quelques fois en tâchant de reprendre mon souffle, et tournai la tête vers Tate pour constater qu'il était dans le même état que moi. Soren et Tate, les deux casse-cous, les deux téméraires et mauvais garçons, tremblotants de peur au beau milieu de la banquise !
- Ça va ? demandai-je. Il me fit signe que oui. - Qu'est-ce que c'était, putain ? - J'en sais rien.
Mais avant de pouvoir parler plus, je vis d'un coup mon meilleur ami disparaître sous mes yeux dans un grognement terrible de loup. Je l'entendis crier de peur, et, paniqué, je hurlai à mon tour.
- TATE ! J'attrapai rapidement la lampe torche que j'avais laissée tomber à mes pieds pour l'allumer et éclairer autour de moi tout en commençant à courir vers la direction d'où provenaient les cris de mon ami, et surtout... Surtout les grognements du loup. J'arrivai finalement à leur hauteur ; la bête sauvage tenait la jambe de Tate entre ses crocs alors qu'il se débattait pour lui faire lâcher prise. Je poussai un cri, style hurlement du guerrier, pour me donner du courage tout en fonçant sur le loup. Il était immense. Imposant, puissant. J'étais ridiculement petit comparé à lui. Et je n'avais pas de crocs, moi, ni de griffes. Il allait surement me tuer d'un coup de patte. Tate aussi était condamné. Mais il était hors de question de m'enfuir en le laissant derrière moi sans rien tenter pour le sauver. Si j'avais été à sa place, il aurait fait la même chose pour moi. Quitte à ce que l'un de nous crève, l'autre y passerait avec, c'était comme ça.
Alors, en voyant le loup lui lâcher la jambe pour tendre sa mâchoire destructrice vers moi, j'ai sincèrement cru que j'allais mourir. Dans un réflexe d'ultime défense, j'ai monté mon bras droit devant mon visage pour me protéger. C'est comme ça qu'un énorme éclair bleu a surgi de nulle part, comme s'il venait de ma direction, et que le corps du loup est tombé sur le sol gelé, coupé en deux.
« Le 5 Mars 2004 »
J'avais dix-sept ans quand Maman est morte. Il n'y a pas eu beaucoup de monde à son enterrement. Avec le temps, sa dépression n'a fait qu'empirer, et elle a fini par ne plus avoir aucun ami. Nous nous tenons debout autour de sa tombe dans le petit cimetière de Barrow. Adriel se serre contre moi. Ni elle ni moi ne pleurons. Nous sommes tristes, bien sûr. Mais nous l'avons toujours été. Ce n'était qu'une question de temps avant que Maman nous quitte, nous ne nous faisions pas d'illusions. Mais nous sommes trop choqués par ce qui nous arrive pour pleurer ouvertement. C'est à l'intérieur de nous-même que la douleur se passe. Je baisse les yeux vers Adriel et j'embrasse son front. Elle n'a que huit ans. Pourtant, elle prend les événements avec une maturité hors-du-commun. Elle a toujours été en avance sur les autres enfants, je le sais. Ma soeur est spéciale. Forte et fragile à la fois. Je sais qu'elle ne pleurera que ce soir, une fois seule dans sa chambre.
Je sens la main de Louise se poser doucement sur mon épaule. Sans lâcher Adriel, je tourne la tête vers Louise, qui me fait un petit sourire réconfortant. Ses yeux sont un peu rougis par les larmes. Ma mère meurt, et c'est ma petite-amie qui pleure. Louise n'avait pas d'attaches particulières avec Maman, ce n'est pas pour ça qu'elle est triste. C'est notre solitude, à Adriel et moi, notre manque de chance qui l'affecte. Je suis avec elle depuis un an. C'était un peu inespéré, pour moi, de trouver une fille qui me comprenne et qui me corresponde aussi bien. Ce n'était pas gagné : le rebelle presque-orphelin à la sale réputation avec la nièce bien sage du Maire de Barrow... Pourtant, c'est d'elle dont je suis tombé amoureux pour la première fois.
Tate et sa famille sont là, eux aussi. La mère de Tate est comme une deuxième mère pour Adriel et moi, toujours prête à nous accueillir et à nous soutenir dans les moments difficiles. Elle n'a jamais hésité à garder Adriel pour une nuit, le temps que je m'occupe de Maman lorsqu'elle était au plus bas. C'est pour ça que, dès qu'elle a appris pour le décès, elle s'est tout de suite portée garante pour Adriel et moi, jusqu'à ce que je sois majeur et que je puisse légalement avoir la responsabilité de ma soeur.
Adriel s'écarte un peu de moi et je m'accroupis devant elle pour être à sa hauteur. Nous étions sans pères, nous voilà maintenant sans mère. Voir la détresse dans ses yeux me rappelle à quel point nos existences ont été compliquées dès le départ. A quel point son bonheur dépend de moi, depuis toujours. Elle tend sa main vers moi, repliée à l'exception du petit doigt qu'elle met en évidence face à moi, pour que je l'imite et crochète mon petit doigt au sien. Nos promesses, toujours faites de cette manière, ont autant d'importance pour elle que pour moi.
- Tu me promets de ne pas me laisser comme mon père et Maman, toi ? - Et toi comme Maman et le mien... Pinky swear. - Pinky swear.
« Le 17 Mars 2004 »
- Répète ce que tu viens de dire ! Dis-je en empoignant le type de ma classe par le col et en le menaçant du regard. Louise essaie de me faire lâcher prise, mais je la repousse. - Soren lâche-le, je t'en prie ! - Non. Avant... Cet enfoiré va me regarder dans les yeux et va gentiment répéter ce qu'il vient de dire sur ma mère. - Tu t'en fous de ce qu'il a pu dire, lâche-le, il n'en vaut pas la peine ! S'il te plait ! Mais je n'écoutais pas. J'étais trop en colère. Trop enragé. Je fulminais en fusillant du regard le gars de ma classe, que je tenais toujours aussi fermement. Cette enflure avait un petit sourire en coin, et faisait mine de ne pas être impressionné par ma colère. Intérieurement, je me disais qu'il avait beaucoup de chance que nous soyons au beau milieu de la cour du Lycée et qu'il ne fasse pas nuit ; autrement, j'aurais déjà tranché sa sale tête en deux. - RÉPÈTE ! Lui criai-je à la figure. Il me dévisagea à son tour, et son sourire mesquin s'accentua. - J'ai dit qu'il lui en aura fallu, à ton alcoolique de mère, des tentatives pour enfin arriver à se foutre en l'air ! Mon poing s'est logé dans sa tronche encore plus vite que je ne l'espérais. Il était costaud, au moins autant que moi. Seulement, c'était un garçon de bonne famille, à Barrow. De ceux qui me regardaient de travers parce que je ne suivais pas les diktats qu'ils imposaient aux autres, et qui méprisaient ma relation avec Louise, anciennement "membre de leur clan". Autrement dit, ce type n'avait pas une chose dont moi, je ne manquais plus depuis des années : l'habitude de se battre. Il avait beau m'asséner quelques coups, ce n'était pas suffisant pour me faire reculer. En revanche, il semblait que j'arrivais à lui faire très mal. Et tant mieux. Dans l'instant présent, je ne réfléchissais plus, je me contentais déverser ma colère et ma rage sur lui. Il avait eu le mot de trop. J'avais toujours supporté les remarques de ce genre sans rien faire. Ma réputation me précédant, généralement un regard noir suffisait à effrayer les colporteurs de ragots. Mais cette fois-ci, c'en était trop. Alors je m'acharnais sur lui. Je n'avais même pas conscience qu'une foule s'était formée autour de nous pour m'observer détruire peu à peu le visage de ce type et lui briser quelques côtes. Je n'entendais pas non plus les cris de Louise, ses supplications pour que je m'arrête. Dans ce genre de moments, il était difficile de me ramener à la réalité. Seule une personne savait comment faire. Tate, alerté par le mouvement de foule, se précipita sur nous pour s'interposer entre moi et le type, déjà inconscient mais que je continuais de frapper. Il me donna un coup de poing si fort au visage que je tombais en arrière, et retrouvai enfin mes esprits. Le silence s'abattit sur la cour. Seuls les sanglots de Louise et les chuchotements des autres élèves se faisaient entendre. Essoufflé, abasourdi, je regardai le corps inerte de l'élève que j'avais tabassé baigner dans une marre de sang, pendant que Tate appelait les secours.
Finalement, l'élève passa quelques temps à l'hôpital et ne garda que quelques cicatrices en conséquence de l'incident. Il ne fut pas puni pour les propos qu'il avait tenus. Moi, en revanche... On m'expulsa définitivement du Lycée. Je perdis toute chance de faire un jour les études suffisantes pour avoir un métier bien payé et subvenir aux besoins d'Adriel. Barrow est une petite ville. Bientôt, tout le monde fut au courant de l'incident, et il me fut impossible de trouver le moindre petit boulot. Mais je n'abandonnai pas. Je n'avais pas le droit d'abandonner. L'avenir d'Adriel dépendait de moi ; il fallait que je trouve une solution.
Ce qui me fit le plus mal à propos de cette histoire, en revanche... Ce fut la crainte à mon égard qui naquit dans les yeux et dans le coeur de Louise à compter de ce jour-là.
« Le 9 Janvier 2006 »
Il était huit heures du matin. Il faisait nuit noire. C'était comme ça depuis décembre, et ce serait encore le cas jusqu'à la fin février, comme tous les ans à Barrow. Le blizzard soufflait avec violence sur la ville. Je marchai lentement dans les rues gelées pour rentrer chez moi, dans cette petite maison que nous habitions Adriel et moi. J'avais mal aux côtes, ce qui me faisait boiter, et mon arcade sourcilière saignait encore un peu. N'importe qui m'aurait vu dans cet état aurait compris que je venais de me battre. Mais peu de monde savait réellement de quoi il s'agissait. Pourtant, les rumeurs allaient bon train dans Barrow. Pas seulement à propos de moi, mais d'une manière générale. Cela faisait presque deux années complètes que ce petit manège durait, néanmoins personne à part ceux que je croisais la nuit ne semblait être au courant du genre d'activités qui avaient lieu à quelques pâtés de maisons de chez eux seulement. Au Fight Club du Warehouse, plus précisément. Ce vieux hangar n'abritait pas qu'une boite de nuit clandestine et plus ou moins bien fréquentée. C'était le seul endroit où j'avais pu trouver une solution pour obtenir l'argent dont Adriel et moi avions besoin pour vivre.
Je passai au niveau du garage de la ville lorsqu'un homme m'interpela. Je ne le connaissais pas, mais il me regardait comme si lui, me connaissait. En tout cas, je ne décelai pas la frayeur ou le dégoût habituel que ma vue suscitait chez les gens. C'était plutôt comme si mon état le rendait... Triste.
- J'ai une proposition à te faire, gamin. - Il n'y a que les gens qui me connaissent mal qui m'appellent gamin. - D'accord, alors oublie le "gamin". Écoute... - Non. Vous êtes qui ? Vous êtes de la SIA, c'est ça ? Je ne suis pas intéressé, je vous l'ai déjà dit. Balançai-je avec mépris. Je pensais avoir compris pourquoi cet inconnu s'adressait comme ça à moi, mais je devais me tromper, car il ne lâcha pas prise. - Je te propose un job, crétin. Légal. Mais si ça ne t'intéresse pas, d'accord, désolé de t'avoir fait perdre ton temps, retourne taper sur la figure de tes charmants amis le soir venu histoire de te faire quelques dollars, mais laisse-moi te dire une bonne chose : peu importe à quel point tu es doué, tu ne pourras pas continuer comme ça éternellement. J'étais intrigué par la justesse de son analyse. Est-ce qu'il avait déjà assisté à un de ces combats clandestins ? Est-ce qu'il avait déjà vu comment cela fonctionnait au Fight Club, comment les gens pariaient sur le vainqueur ? Avait-il déjà parié lui-même ? - Qu'est-ce que vous en savez ? - Un jour, tu vas te retrouver face à plus jeune et plus fort que toi, et tu vas commencer à perdre à répétition. Là, tu comprendras que c'est terminé, et que tu n'as plus rien à faire de tes deux bras. Ou, si tu as moins de chance, tu finiras à la morgue parce que ton corps ne supportera plus le choc. Peu importe. Avant que ça n'arrive, je te propose de travailler pour moi. Ce garage, c'est le mien. Et j'ai besoin d'un mécano. - Je n'y connais rien en mécanique. - Je t'apprendrai. - Qu'est-ce qui vous pousse à être aussi généreux ? - Disons simplement que j'ai été exactement pareil que toi, avant de débarquer ici. Jeune, ambitieux, insolent et sur de moi. Comme toi, je me suis embarqué dans des affaires pas très nettes, je me suis fait de l'argent grâce à ça, et je me suis dit que ça irait. - Et qu'est-ce qui s'est passé ? - J'ai du tout plaquer et venir me planquer dans ce trou paumé d'Alaska du jour au lendemain et y ouvrir un garage. Il y eut un moment de silence, pendant lequel on se toisa du regard. - Pourquoi j'accepterais votre offre ? - C'est simple. Tu vis déjà dans ce trou paumé d'Alaska. Si jamais ça tourne mal pour toi, où est-ce que tu pourrais bien aller te planquer ? - Soren Blake. - Dalan Leigh.
Cet homme allait changer le cours des choses pour moi. Il allait me ramener dans le droit chemin, m'apprendre un métier, m'offrir un salaire. C'était tout ce dont j'avais besoin. Il y eut une sorte d'entente implicite entre nous : il ne me posait pas de questions sur mon histoire, je ne l'interrogeais pas non plus sur la sienne. C'était idéal.
En rentrant chez moi, je trouvai une lettre glissée sous la porte d'entrée. Intrigué, je n'attendis pas pour lire son contenu. C'était l'écriture de Louise. Elle me disait qu'elle était amoureuse de Tate, et qu'elle était désolée.
C'est étrange. Aujourd'hui encore, quand je repense à cette journée, j'y vois un mélange flou entre lumière et ténèbres. Comme si un événement joyeux ne pouvait pas m'arriver sans être suivi par quelque chose de mille fois pire. Ma rencontre avec Dalan m'avait rapproché d'une forme d'espoir, un sentiment qui s'était fait si rare au cours de mon existence que je ne l'avais presque pas reconnu ; pourtant, en quelques mots, cette lettre m'avait arraché deux des trois seules personnes qui comptaient pour moi. Ce jour-là, l'amertume qui rythmait mes jours et mes nuits depuis le commencement s'accentua, mutant en moi comme un chaos sans limite.
La semaine suivante, je commençai à travailler au garage.
PRÉNOM/PSEUDOMarjo ÂGE20 ans CÉLÉBRITÉ CHOISIEHarvey Newton Haydon MULTINICK ?Non DISPONIBILITÉTous les jours MOT DE PASSE RÈGLEMENTI invented it, bitch.